Reporterre | 19 août 2024 | Luttes
Tesla a renoncé temporairement à doubler la taille de sa « Gigafactory » de voitures électriques en Allemagne. Les écologistes locaux, qui ont installé une zad dans la forêt, soufflent, mais se préparent à la suite. [Übersetzung auf Deutsch am Ende]
Grünheide (Allemagne), correspondance
Une petite victoire, ou une bombe à retardement ? Les 9 000 habitants de la petite ville de Grünheide, près de Berlin, ne savent plus sur quel pied danser après l’annonce de Tesla de mettre sur pause le projet de doublement de sa Gigafactory. Construite à toute vitesse en 2021, la seule usine de production de voitures électriques de Tesla en Europe devait s’agrandir pour produire deux fois plus de véhicules : de 500 000 à 1 million par an. Pour cela, 120 hectares de forêt allaient être rasés. Un projet décrié par les associations écologistes locales, qui se préparaient à des actions de résistance en masse.
C’était sans compter une interview ambiguë donnée par André Thierig, directeur de la Gigafactory. « Nous n’allons pas investir plusieurs milliards dans l’extension de l’usine sans que les signaux soient très clairs et que le marché en fasse la demande », a-t-il déclaré début août à l’agence de presse allemande (DPA). Et d’ajouter : « Notre planification en début d’année prévoyait une croissance nettement plus forte, ce qui ne s’est pas produit. » Un aveu de défaite ?
« Tesla suspend l’extension de l’usine de Grünheide », ont alors titré plusieurs magazines économiques. La coalition d’opposants Tesla den Hahn abdrehen (« Couper le robinet de Tesla ») a annoncé une victoire d’étape importante contre l’entreprise d’Elon Musk. « Cette décision est le résultat d’années de protestations et d’actions intensives contre les effets nocifs de l’usine automobile sur l’environnement et la santé », se réjouit-elle dans un communiqué de presse. La zad établie dans la forêt, les centaines de manifestations, les actions de sabotage et même la tentative d’envahir l’usine auraient-elles porté leurs fruits ?
Pas confiance en Tesla
Rien n’est moins sûr : Tesla accuse la conjoncture économique et ignore ses adversaires. Ses livraisons de voitures ont diminué de 5 % au deuxième trimestre, soit une baisse de 14 % par rapport au même trimestre de l’année précédente. Tesla aurait également supprimé 400 emplois à la Gigafactory grâce à un programme de licenciement « attractif ». Ne s’agirait-il donc que d’un sursis temporaire ? « Nous pensons fermement que le marché va repartir à la hausse. La question est certainement de savoir à quelle vitesse et quand », confirmait ainsi André Thierig à la DPA.
Il s’agit plutôt d’une bombe à retardement, alors. « Je ne fais pas confiance à Tesla, on observe des travaux continus dans la forêt, notamment de déminage [pour retrouver des explosifs datant de la Seconde Guerre mondiale], critique ainsi Manu Hoyer, cofondatrice de l’initiative citoyenne de Grünheide contre Tesla et présidente de l’association écologiste Natur und Landschaft in Brandenburg e.V. (“Nature et paysages du Brandebourg”). Je me réjouis du sursis, mais en fin de compte, nous ne lâchons pas prise et nous continuons à nous battre. »

D’autant que la pause des travaux ne concerne que le doublement de l’usine, pas la construction d’une gare ferroviaire. « Ils vont détruire la gare de trains utilisée par les habitants et en construire une nouvelle sur l’enceinte de la Gigafactory ; on devra s’y rendre pour nos déplacements, s’offusque l’activiste. Et cette gare va être située en pleine zone de protection de l’eau potable, c’est une aberration totale. »
« Un crime environnemental »
L’eau est au cœur du conflit entre Tesla et les habitants de Grünheide. Le Brandenbourg est l’une des régions les plus arides d’Allemagne, la sécheresse menace habitants et agriculteurs chaque été. Or, la Gigafactory puise dans le réservoir d’eau douce Erkner-Neu Zittau, dans la vallée glaciaire de Berlin, et en a consommé 500 000 m3 l’année dernière.
Tesla affirme n’utiliser que 1,8 m3 d’eau par voiture, un chiffre nettement inférieur à la moyenne de l’industrie automobile. Mais les écologistes soulignent que 170 000 personnes dépendent du réservoir — dont un tiers des Berlinois —, et que la consommation n’est pas le seul problème. 26 incidents environnementaux auraient été signalés, comme la fuite de 15 000 litres de bain de trempage de l’atelier de peinture ou de 13 tonnes d’aluminium liquide dans le bassin.
« Il n’y a aucune autorité de contrôle, Tesla se contrôle elle-même. D’ici deux ans, on pourra dire adieu à l’eau du robinet, on devra acheter l’eau en bouteille au supermarché, critique Manu Hoyer. Ce qui se passe ici, c’est un véritable crime environnemental. » Outre les 92 hectares de forêt déjà coupés, il y a aussi la pollution lumineuse et sonore, ainsi que le trafic de camions de l’usine.
« Les habitants n’en peuvent plus. 71 % se sont déclarés contre l’usine de Tesla quand on a fait un sondage, en début d’année », selon l’activiste. Les écologistes du collectif dénoncent aussi des conditions de travail dégradées dans l’usine, ainsi que l’extraction des ressources minières des pays du Sud. Exploitation des humains et de la nature, soutien à Donald Trump, déclarations transphobes : Elon Musk enchaîne les controverses. De quoi affaiblir son empire économique ?
Übersetzung: Elon Musk bremst den Ausbau der Tesla-Fabrik in Deutschland
Tesla hat vorübergehend darauf verzichtet, die Größe seiner „Gigafactory“ für Elektroautos in Deutschland zu verdoppeln. Die örtlichen Umweltschützer, die in dem Wald ein Zad eingerichtet haben, atmen auf, bereiten sich aber auf das Kommende vor.
Ein kleiner Sieg oder eine tickende Zeitbombe? Die 9000 Einwohner der Kleinstadt Grünheide in der Nähe von Berlin stehen nach der Ankündigung Teslas, das Projekt zur Verdoppelung seiner Gigafactory auf Eis zu legen, auf dem Schlauch. Teslas einzige Produktionsstätte für Elektroautos in Europa, die 2021 mit Hochdruck gebaut wurde, sollte erweitert werden, um doppelt so viele Fahrzeuge zu produzieren: von 500.000 auf 1 Million pro Jahr. Dafür sollten 120 Hektar Wald gerodet werden. Dieses Projekt wurde von den örtlichen Umweltverbänden kritisiert, die sich auf große Widerstandsaktionen vorbereiteten.
Dabei hatten sie nicht mit einem zweideutigen Interview gerechnet, das André Thierig, der Leiter der Gigafactory, gab. „Wir werden nicht mehrere Milliarden in den Ausbau der Fabrik investieren, ohne dass es ganz klare Signale gibt und der Markt danach verlangt“, sagte er Anfang August der Deutschen Presse-Agentur (DPA). Er fügte hinzu: „Unsere Planung zu Beginn des Jahres sah ein deutlich stärkeres Wachstum vor, was nicht eingetreten ist.“ Ein Eingeständnis der Niederlage?
„Tesla stoppt Ausbau des Werks in Grünheide“, titelten daraufhin mehrere Wirtschaftsmagazine. Das Oppositionsbündnis Tesla den Hahn abdrehen verkündete einen wichtigen Etappensieg gegen das Unternehmen von Elon Musk. „Diese Entscheidung ist das Ergebnis jahrelanger Proteste und intensiver Aktionen gegen die schädlichen Auswirkungen der Autofabrik auf die Umwelt und die Gesundheit“, freute sie sich in einer Pressemitteilung. Hätten die im Wald eingerichtete Zad, Hunderte von Demonstrationen, Sabotageaktionen und sogar der Versuch, die Fabrik zu stürmen, Früchte getragen?
Kein Vertrauen in Tesla
Nichts ist ungewisser: Tesla gibt der Wirtschaftslage die Schuld und ignoriert seine Gegner. Seine Autoauslieferungen gingen im zweiten Quartal um 5 % zurück, was einem Rückgang von 14 % gegenüber dem gleichen Quartal des Vorjahres entspricht. Tesla soll auch 400 Arbeitsplätze in der Gigafactory mithilfe eines „attraktiven“ Abfindungsprogramms abgebaut haben. Handelt es sich also nur um einen vorübergehenden Aufschub? „Wir glauben fest daran, dass der Markt wieder steigen wird. Die Frage ist sicherlich, wie schnell und wann“, bestätigte André Thierig gegenüber der DPA.
Es handelt sich also eher um eine tickende Zeitbombe. „Ich traue Tesla nicht, es sind kontinuierliche Arbeiten im Wald zu beobachten, insbesondere Minenräumungen [um Sprengstoff aus dem Zweiten Weltkrieg zu finden]“, kritisiert etwa Manu Hoyer, Mitbegründerin der Bürgerinitiative Grünheide gegen Tesla und Vorsitzende des Umweltverbandes Natur und Landschaft in Brandenburg e.V.. Ich freue mich über den Aufschub, aber letztlich geben wir nicht auf und kämpfen weiter“.
Die Baupause betrifft nur die Verdoppelung der Fabrik, nicht aber den Bau eines Bahnhofs. “Sie werden den Bahnhof, der von den Anwohnern genutzt wird, abreißen und einen neuen auf dem Gelände der Gigafactory bauen, so dass wir dort hinfahren müssen, um uns fortzubewegen“, ärgert sich die Aktivistin. Und dieser Bahnhof wird sich mitten in einem Trinkwasserschutzgebiet befinden, das ist ein völliger Irrsinn.“
„Ein Umweltverbrechen“
Wasser ist das Herzstück des Konflikts zwischen Tesla und den Bewohnern von Grünheide. Brandenburg ist eine der trockensten Regionen Deutschlands, die Dürre bedroht jeden Sommer Bewohner und Landwirte. Nun zapft die Gigafactory das Süßwasserreservoir Erkner-Neu Zittau im Berliner Eistal an und verbrauchte im letzten Jahr 500.000 m3 davon.
Tesla behauptet, nur 1,8 m3 Wasser pro Auto zu verbrauchen, was deutlich unter dem Durchschnitt der Automobilindustrie liegt. Umweltschützer weisen jedoch darauf hin, dass 170.000 Menschen von dem Reservoir abhängig sind – darunter ein Drittel der Berliner – und dass der Verbrauch nicht das einzige Problem ist. Es sollen 26 Umweltvorfälle gemeldet worden sein, wie das Auslaufen von 15.000 Litern Tauchbad aus der Lackiererei oder von 13 Tonnen flüssigem Aluminium in das Becken.
„Es gibt keine Kontrollinstanz, Tesla kontrolliert sich selbst. In zwei Jahren können wir uns vom Leitungswasser verabschieden, dann müssen wir das Wasser in Flaschen im Supermarkt kaufen“, kritisiert Manu Hoyer. Was hier passiert, ist ein echtes Umweltverbrechen“. Neben den 92 Hektar Wald, die bereits abgeholzt wurden, gibt es auch Licht- und Lärmbelästigung sowie den LKW-Verkehr der Fabrik.
„Die Bewohner halten es nicht mehr aus. 71% haben sich gegen die Tesla-Fabrik ausgesprochen, als wir Anfang des Jahres eine Umfrage gemacht haben“, so die Aktivistin. Die Umweltschützer des Kollektivs prangern auch die schlechten Arbeitsbedingungen in der Fabrik sowie den Abbau von Bodenschätzen in den Ländern des Südens an. Ausbeutung von Mensch und Natur, Unterstützung für Donald Trump, transphobe Äußerungen: Elon Musk reiht eine Kontroverse an die andere. Könnte dies sein Wirtschaftsimperium schwächen?